Antigone ;
Tu
sais tous les malheurs qu'Oedipe a légués aux siens. Mais en
sais-tu un seul que Zeus ne tienne pas à consommer ici de notre
vivant même ?
-->
Sophocle,
Antigone. Belles Lettres.
I
Pendant
dix ans j'étais la dernière
ensuite
Préféré a repris sa place
et
j'étais plus rien
c'est
ce que je me rappelle
de
sa naissance
Princesse
s'est convaincue l'avoir
torturé
la
première semaine.
et
tout le monde, maman, papa, les médecins, les infirmières,
t'auraient laissé faire ? personne aurait rien vu ?
c'est
ça qui était bizarre, ils me regardaient mais ils ne faisaient rien
tu
crois vraiment que maman t'aurait laissée torturer son fils ?
j'te
dis, c'est ça qui est bizarre, je l'ai fait et elle n'a rien dit
mais
tu ne peux l'avoir fait, c'est impossible
je
sais, mais c'est ce qui s'est passé
J'ai
grandi avec Princesse
on
nous a délibérément opposées
l'une
à l'autre
comparées
mais
personne ne peut rivaliser
avec
un fantasme parfait
en
chair et en os
une
petite fille modèle
ressemblant
trait pour trait
à
ce que la reine délirait d'elle.
Princesse
sa
détermination
sa
force
sa
loyauté
à
toute épreuve
un
jour
je
l'entends encore hurler et supplier
derrière
la porte
m'a
jamais dénoncée
Parmi
les souvenirs mythiques
de
la tragédie familiale
ce
fameux midi où la reine décréta
que
nous mangerions des tripes.
Je
revois ma sœur
n'en
voulant pas plus que moi
soudainement
tout
avaler
sous
les compliments de la reine
autorisée
à sortir
rejoindre
les copines
c'est
pas rien
on
n'avait jamais le droit de sortir
ni
d'aller chez les autres
ni
de les inviter
en
outre
on
n'avait pas le droit de s'attarder devant l'école
la
reine surveillait le temps
quand
elle ne venait pas nous surprendre
après
nous avoir observées
comme
une chatte
qui
regarde des souris danser
la
croyant partie...
S'il y a une émotion qui
S'il y a une émotion qui
c'est
ce sentiment
comment
dire
comme
si on avait fait quelque chose d'impardonnable
mais
sans savoir quoi
ni
ayant le temps d'y réfléchir
on
sait juste qu'on
vient d'apercevoir la reine
approchant
devant les grilles
de
l'école puis du collège puis du lycée
où une
seconde plus tôt
on
bavardait et riait avec d'autres.
J'ai
tenté une bouchée
j'ai
vomi
la
reine m'a ordonné de filer
hors
de sa vue
m'en
souviens encore
pas
de ses mots
mais
de la haine de ses mots
la
haine palpable
quand
on comprend
qu'on
n'arrivera pas à soumettre l'autre
à
moins de le tuer
mais
ça n'est pas possible non plus.
C'est
qui je suis qui lui fait ça
ma
sœur sait
l'apaiser
satisfaire
ses attentes
attendre
son bon vouloir
sans
pleurer
ni
gigoter
ni
réclamer.
ta
sœur on pouvait l'oublier tellement elle était sage
Par
contre avec moi
dès
le berceau
hors
des bras je hurlais
dès
la première bouchée solide
j'avais
des préférences et des rejets
avec
les Reines-Mères
ça
pardonne pas.
Ce
fameux jour des tripes
la
tête de la reine-mère
quand
elle a compris
j'en
jubile encore intérieurement.
II
Princesse
est sortie d'un internement
depuis
un an
suis
avec la reine sur des gradins
nous
assistons à un spectacle de fin d'année
où
ma sœur danse.
Elle
entre sur scène
la
reine
debout
applaudit
à tout rompre
tourne
la tête
la
voix enrouée.
elle
revient de loin
ha
tu
sais pas toi t'es jamais là
...
j'ai
bien cru que cette fois elle allait y rester
tu
te souviens quand elle prenait des cours de danse classique ?
oui,
toi tu faisais du hand ball, tu préférais
Je
sais qu'elle savait que je le savais
à
cause du flottement.
Quand
Princesse prenait des cours de danse classique
on
m'avait refusé les cours de musique
trop
cher
le
hand ball c'était plus tard
au
collège
nous
étions toutes les deux inscrites..
La
musique
un
vrai chagrin qui
palpite encore
on
sait pas
si
j'avais appris le solfège
j'aurais
pu aller tellement plus loin que les mots
le
plaisir est venu des
histoires qu'ils racontaient
un
hasard
la
reine qui n'aimait pas se mélanger
avait
sympathisé avec une veuve
n'aimant
pas non plus se mélanger
dont
la plus âgée des deux filles
travaillait
à la bibliothèque municipale
chaque
semaine
nos
huit livres sous le bras
cette
ouverture au monde
la
découverte d'un plaisir absolu
d'une
éternité
où
trouver refuge nourriture et compagnie.
IV
Princesse
dès
qu'on la regarde
sourit
moi
aussi
même
adulte
dès
que la reine me regardait
je
souriais
aujourd'hui
encore
ma
sœur et moi
dès
qu'on se regarde
on
sourit
c'est
épuisant.
Ce
n'est pas un vrai sourire
mais
un étirement mécanique
des
lèvres
comme
un genou qui se redresse
un
réflexe
un
message automatique
tout
va bien.
La
reine exigeait un monde souriant
autour
d'elle
le
consentement était essentiel à sa jouissance
en
outre
du
fait qu'elle souffrait de l'angoisse
ça
la rassurait
oui
certaines
mères ont besoin d'être rassurées
pour
nous les enfants
c'est
rien
on
peut même soutenir des mères folles
c'est
pas ce qui compte
si
ce n'est pas de notre âge
pourvu
qu'on ait l'essentiel
l'amour
le
reste on s'en charge d'un
cœur léger
c'est
seulement quand ça fait mal
et
détruit
qu'il
faut intervenir.
Princesse
dans
la rue
marche
très lentement
juste
derrière vous
légèrement
de biais
à
portée du regard
sans
échappatoire possible
obligée
de suivre son rythme
si
j'accélère
ça
la fait courir.
Princesse
n'est pas dans la réalité
communément
admise
mais
survit dans un monde impensable
aux
voix persécutrices
ordonnant
toujours le pire
pour
elle
cependant
il existe d'autres voix
avec
lesquelles on l'entend rire et plaisanter
et
si jamais on l'observe
derrière
une porte
par
exemple
dans
ces moments là
on
la découvre en heureuse compagnie
détendue
pleine
de vie .
rieuse
bavarde
ma
soeur
ce
n'est pas qu'elle a souffert
mais
qu'elle souffrira jusqu'à sa mort
les
mots manquent
comment
ça détruit dans la folie
même
la détresse et la souffrance sont inhumaines
les
mots ne peuvent pas le dire
la
musique l'aurait su
pour
ça
faut
prendre sur soi
chercher
dans son coeur
les
mots justes et réconciliateurs
si
on veut réellement être entendue
je
veux dire
si
on est dans la bienveillance envers l'autre
le
désir du bon ensemble
alors
peu importe
les
causes de discordes
il
y en aura toujours
ce
qui compte c'est ce qui rassemble
qui
est bon en nous
qu'il
faut cultiver et partager
sur
les champs fertiles de l'éthique
où
ce qui est bon
ne
peut l'être s'il est nuisible à d'autres.
.
V
J'ai
beaucoup entendu sur le silence
de
Princesse
mais
je l'ai vu de mes yeux
personne
ne lui parlait
ni
les autres autour
l'air
de marcher sur des œufs
pensant
sourire
grimaçant
à leur insu
forcément
ça
donne pas envie non plus de leur parler
parfois
même ça peut devenir oppressant
ces
gens bien intentionnés
qui
n'ont rien à vous dire
mais
se forcent à vous le dire
le
fait est
personne
ne parle à ma sœur parce qu'elle ne parle pas
mais
à qui parlerait-elle si personne ne lui parle ?
La
détresse
quand
elle est inhumaine
les
gens ont peur
si
je
les ai observés dans le métro
ou
le bus
dès
que leur regard se pose sur ma sœur
peut
plus s'en détacher
ou
n'ose plus regarder qu'à la dérobée
alors
je
guette leur regard
le
force
pour
qu'il croise le mien
ensuite
de
tout le trajet
regarde
plus jamais vers nous
même
en douce
je
surveille.
Personnellement
le
silence de ma sœur me fascine
un
jour
je
l'observais
les
yeux traversant le vide
tellement
loin.
à
quoi tu penses ?
à
rien
Silence.
c'est
comment rien ?
comment
ça c'est comment ?
rien,
ça ressemble à quoi ?
ben...je
sais pas
mais,
si tu ne sais pas comment c'est rien, comment tu peux savoir que tu
penses à rien ?
parce
que c'est moi qui le veux
ha
d'accord, c'est toi qui le veux
oui,
c'est moi qui décide de penser à rien
c'est
toi qui ordonnes à ta tête, maintenant je ne pense à
rien
oui
c'est
étrange, quand tu ne penses à rien on dirait justement le contraire
ha
bon
oui,
on dirait que tu es plongée dans des pensées si profondes...
non
pas du tout
Le
plus souvent
je
vois ma sœur d'une façon
elle
me répond d'une autre
parfois
j'ai
l'impression de ne pas vouloir entendre
cette
sœur jouissant d'un équilibre fragile
soutenu
par un incroyable désir de vivre
revenu
d'on ne sait où
lui
permettant de monter à cheval
sculpter
la terre
apprendre
à nager
d'avoir
des désirs
pourtant
je la soutiens à bout de bras je l'encourage
cette
sœur qui veut vivre
me
dépasse complètement
néanmoins
cette
insistance
peut-être
on
sait pas
je
la regarde
comme
on revient sur les lieux de son crime
peut-être
la
première fugue
je
lui ai lancé par la fenêtre son sac
après
j'ai passé la journée
à
penser au soir
quand
ils comprendront
ils
sauront
ce
soir-là
je
voudrais ne plus jamais m'en souvenir
cette
journée entière
si
elle pouvait disparaître de ma tête
car
le monde extérieur
n'a
été qu'une succession de traumas
plus
sordides les uns que les autres
pour
Princesse.
.
VI.
Préféré
a
été acheté
savait
même pas parler
pour
autant
ça
n'a pas été de soi
je
l'ai connu tout petit
à
trois ans il avait encore plein de cœur
à
bien réfléchir
personnellement
il
m'a toujours aidée
aussi
rarement qu'on se soit revus
toujours
pu compter sur lui
sur
son bon cœur
d'enfant
confronté
trop tôt
au
chaos hurlant d'une famille se morcelant
sous
ses yeux
la
détresse de la reine
sa
haine de moi
à
l'apogée à cette époque
les
voix de ma sœur
ses
crises
sa
souffrance mutilante
moi
je ne sais pas grand chose
tout
le reste je l'ai entendu
ou
on me l'a dit
ou
je l'invente
mais
Préféré a tout vu de ses yeux
d'enfant
destiné
à
la pire place
au
bout du compte
on
renonce plus facilement
quand
on n'a rien à perdre.
VII
Être
préféré
c'est
la pire place
quand
on tue tout désir en l'autre
le
rassasiant avant même qu'il ait faim.
J'en
ai rencontré dans ma vie
des
préférés et des princesses
sans
désir sans but sans besoin
sans
rien qui les retienne
sans
rien qui les comble
intérieurement
pleurant
sans larme le paradis perdu
du
temps heureux
où
ils assouvissaient la passion de leurs parents
les
dévorant sans pitié
quand
ils ressentaient encore des émotions et des sentiments
sans
douter de leur réalité en soi.
Faut
pas croire
c'est
compliqué et dangereux
psychiquement
la
place de préféré et de princesse.
VIII
L'enfance
de Préféré
l'infortuné
au
centre de toutes nos disputes
reproches
ruptures
inéluctablement
dénoncer les préférences
c'était
comme de le nommer
sans
le dire
ça
venait pas de moi
mais
c'est ce que Préféré croit
si
bien qu'il se méfie de moi
non
sans raison
chaque
fois que je revenais
je
devais ressembler à un trauma
en
chair et en os
surgissant
sans
rien qui prévienne
dévastant
tout sur son passage.
sans
se soucier de lui
le
plus petit
le
plus vulnérable
sans
même se soucier de l'état de Princesse
pour
dire s'il était grave
j'ai
vu la reine
courir
après moi
me
supplier de revenir
pour
ma sœur hurlante
en
proie à des crises terrifiantes
qui
étrangement
ramenaient
une certaine forme d'ordre
dans
ce chaos
obligeant
chacun à prendre
un
minimum
sur
soi
par
peur d'en déclencher une.
Préféré
a tout eu comme Princesse
ont
tout rendu au centuple
ne
les ont jamais quittés
comme
convenu
la
reine est morte chez elle
dans
les bras de son fils
le
roi mourra chez lui
dans
les bras de son fils.
Princesse
habitera son appartement
avec
sa porte et ses clefs
au
dessus de Préféré et sa famille
l'a
tenu sa part de contrat implicite
assurer
un toit sans loyer à sa sœur malade.
Préféré
et Princesse
des
Antigones
d'une
loyauté familiale impitoyable
à
côté
sous
le masque d'Ismène
je
fais figure de traître
c'est
vrai
chaque
mot que j'écris sur eux est une trahison
mais
de toute façon
je
n'étais pas de taille
pour
un amour comme ça
pourtant
j'aurais
tant aimé être aimée de la reine
follement
mais
j'avais trop de priorités personnelles
pour
ainsi dire
remonte
un souvenir
la
nuit
à
Sevran
cité
ouvrière à taille humaine
on
doit descendre
le
feu
je
dévale quatre à quatre
les
cinq étages
sors
de l'immeuble
rejoins
le groupe de voisins :
grelottant
dans leurs pyjamas
j'attends
enfin
la reine
ma
sœur dans une main
Préféré
encore
bébé
dans
l'autre bras
sortent
je
la vois me repérer
approcher
sans
me lâcher des yeux
déjà
en bas toi hein...
son
sourire aux lèvres.
Je
n'ai pas tout donné tout le temps
c'est
vrai
en
plus j'avais aussi des humeurs
je
ne souriais pas non plus
tout
le temps
néanmoins
je
suis la seule à avoir donné
aimé
sans
rien attendre en retour
l'espérant
question
de survie
l'inventant
mais
personne n'y peut rien
la
reine ne m'aimait pas
sans
avoir jamais su qui j'étais réellement
même
si elle connaît l'enfant
sur
le bout des doigts
ce
que je ressens
et
comment je ne peux pas ne pas réagir
cependant
qui
je suis
ce
que je pense
et
comment je ne peux pas ne pas le dire
n'en
voulait rien savoir
souvent
c'est moi qui ne voulait plus
je
voyais trop
qu'elle
ne voulait pas entendre
alors
je lui posais des questions sur elle
je
ne m'en lassais jamais.
IX
Sur
une photo
agrandie
et offerte par la reine
une
petite fille
environ
quatre ans
blond
cendré
robe
et sandales
qui
regarde un chien
presque
aussi grand qu'elle
ça
se passe je ne sais où chez une nourrice
c'est
tout ce que je sais.
A
l'âge de six ans
j'avais
déjà peur de l'abandon
ça
fait partie des souvenirs mythiques
ce
jour où Ramasse-Miettes m'avait oubliée
je
l'ai entendu mille fois
comment
j'ai mordu la main de la maîtresse
qui
ne voulait pas me laisser partir
par
contre
je
me rappelle
tout
au long du trajet
ma
main emprisonnée dans la sienne
tentant
de ralentir mon pas
la
terreur physique
que
l'appartement soit vide
tout
le monde parti
d'ailleurs
quand je l'ai raconté à la reine-mère
quelques
années avant sa mort
elle
a ri
me
décrivant précisément
ce
que j'avais ressenti
mais
moi ça ne m'a pas fait rire
du
tout
qu'elle
avait toujours su
ce
que je ressentais.
Pas
systématiquement
comme
la reine
mais
parfois souvent
ce
qui me fait rire
fait
grincer les dents des autres
question
de caractère
peut-être
moi
je riais aux larmes avec la reine
quand
elle s'en moquait
oui
j'ai
beaucoup ri
pendant
mon enfance.
ANNEXE
I
Ramasse-Miettes
je
ne l'inclus pas dans la fratrie
pas
assez de cœur
de
toute façon
sa
place
c'est
le premier rôle de la pièce rapportée
je
l'ai su
adolescente
par
une de ses ex-épouses.
tu
ne t'en doutais pas ?
non
tu
ne t'es jamais demandé pourquoi ton frère était
blond aux yeux bleu ?
non
Dans
la lignée maternelle
souvent
les
beaux-pères remplacent les pères
disparus
pour
diverses raisons.
Ramasse-miettes
se
plaint
comme
quoi
il
a été abandonné par la reine
chez
sa mère
pendant
douze ans
de
mon point de vue l'a eu de la chance
d'être
éduqué par la grand-mère
une
crème avec plein de cœur fondant
je
l'ai appris dernièrement
non
sans rechigner
de
fait
j'avais
fini par lui donner la rôle de la méchante
oui
j'étais
naïve à l'époque
je
cherchais encore des causes et des conséquences
maintenant
je me contente de distinguer les effets d'effets.
Se
plaint d'avoir été abandonné
puis
se plaint de ce qui est arrivé
quand
la reine a décidé de le reprendre
du
jour au lendemain
les
a séparés
la
grand-mère et lui
un
lien indestructible
à
l'hôpital c'est lui qu'elle a attendu
pour
mourir dans ses bras
comme
la reine avec son fils.
La
reine a fait payer à sa mère
ce
qu'elle lui a enduré d'elle
au
départ
le
petit-fils chéri
n'était
que la honte de la reine
et
de la famille
sa
faute et son châtiment
caché
pendant deux ans dans un foyer de filles mères
tenu
par des religieuses
âmes
sensibles s'abstenir.
Se
plaint
comme
quoi
la
reine ne l'a repris que par besoin
pour
nous garder Princesse et moi
sans
doute
s'était
inventé une jolie histoire
par
exemple
la
reine était revenue le chercher
pour
lui
parce
qu'elle l'aimait et qu'il lui manquait trop
forcément
le
réveil a du être violent.
II
Là-bas
adulte
ce
fourbe
jouait
au fils aîné modèle
fallait
le voir roucouler
sous
les compliments de la reine
se
prendre au sérieux
autour
de la table royale
pavoisant
doctement
parmi
les élus
ventre
à terre dès qu'on le siffle.
Un
lâche sans cœur
qui
a laissé Princesse à sa solitude
trop
compliqué pour lui
les
voix
le
silence de Princesse
ses
mutilations
au-dessus
de ses forces
oui
ça
roule des épaules
mais
c'est que de la façade
dedans
ça fait pipi dans sa culotte
les
mains sur les yeux
pour
ne plus voir la terrifiante détresse
d'une
sœur
pour
laquelle il n'éprouve rien
paraît
il
y a très longtemps
l'a
invitée dans sa maison de campagne
un
week-end
mais
son silence l'a traumatisé
le
pôv
elle
dit rien
s'en
est jamais remis
en
réalité
le
problème n'est pas qu'elle ne parle pas
mais
qu'il n'a rien à lui dire.
En
même temps
mieux
vaut qu'il n'éprouve rien
cause
que
quand
il éprouve
c'est
l'enfer
je
le sais je l'ai subi
pour
mon malheur m'aimait bien
soi-disant
enfant
je le défendais
contre
la reine
du
haut de mes trois pommes
ça
me fait rire
j'imagine
la rage de la reine
ça
devait bouillonner
je
peux l'affirmer
sans
l'ombre d'un souvenir
j'ai
dû souvent frôler la mort
sans
le savoir
jouer
avec elle à mon insu.
III
Ramasse-Miettes
c'est
le genre d'hommes
radins
et mesquins
qui
font payer aux femmes qui les aiment
la
mère qu'ils n'ont pas eue
par
contre
sont
prodigues avec n'importe qui d'autres
Des
ptits garçons en haine de mère
des
hommes qui méprisent et dévalorisent les femmes
autant
qu'ils en ont besoin
tout
le temps
beaucoup
même s'en servent de punching ball
à
cause de la passion
non
je
ne sais pas
la
passion de la boxe
je
suppose.
Ramasse-miettes
se
prenait pour un poète ivrogne
à
la Dimai
avec
lequel il levait le coude
la
nuit à Montmartre
sauf
qu'il n'était pas poète
juste
alcoolique
belliqueux
et violent
aux
idées étroites et bornées
émancipé
à dix-huit ans
n'a
plus donné signe de vie plusieurs années
alors
Princesse
et
son intarissable désir de nous réconcilier
ont
repris contact avec lui
ce
sadique haineux
me
rabaissait
m'insultait
me
dénigrait
soi-disant
affectueusement
pour
mon bien
quand
j'avais déjà la tête sous l'eau
ce
faux jeton
n'aimait
pas ma façon de survivre
la
jugeait
par
contre l'aimait bien mes copines
de
détresse
se
plaignaient de ses avances
derrière
mon dos
c'est
répugnant
à
tous points de vue..
Ramasse-Miettes
après
son licenciement
revenu
vivre sous leur toit
pendant
deux ans
à
plus de cinquante ans
après
tout ce qu'il a craché sur eux
je
jubile
logé
nourri blanchi
la
reine le réveillait
à
cinq heures du matin le conduisait au travail
que
Préféré lui avait trouvé
quand
il s'amusait au vigile
avec
sa rot.
Pendant
deux ans
jamais
un bouquet de fleurs
quand
on sait comme la reine est sensible
à
ces petits riens
une
petite fille déballant ses cadeaux
sous
le sapin
deux
oranges pour la reine
à
l'époque c'était comme ça
le
crédit n'existait pas.
Même
pas un bouquet de roses
sa
fleur préférée
même
pas une fois
ça
je pardonne jamais
rien
ne peut le justifier.
continuer
à se venger de l'autre
alors
que l'autre tente de réparer
enfoncer
le couteau
encore
et encore et encore
régler
ses comptes
insatiablement
jouir
haineusement
je
l'ai vu
de
mes yeux
imposer
silence à la reine
en
lui balançant
en
alsacien
pour
n'être compris qu'entre eux
des
coups bas
d'un
ton cinglant
non
je
ne pouvais rien
je
ne comprenais pas l'alsacien
même
si je ressentais distinctement ce qu'il lui disait
juste
je
redoublais d'affection pour la reine
pour
la consoler
implicitement
dans
le même temps
que
je lui faisais sentir ce que je voyais de lui
un
lâche sadique et revanchard
qui
affronte sa mère
quand
elle est vieille et usée
Je
ne sais pas vraiment pourquoi
il
me déteste
autant
quand
il me voit
on
dirait une cocotte minute
prête
à exploser
trop
drôle
alors
je l'évite
je
préfère
c'est
un méchant
et
un violent
vite
débordé émotionnellement par le manque de mots
or
les
mots
moi
par contre je les ai.
j’eusse dû lire ceci plutôt, n'est-ce pas, Nad ?
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